- Expertise Comité Social et Economique Projet Important (art. L2315-94 du Code du Travail). Caisse nationale de l’Assurance Maladie Projet de transformation du Service Médical. Rapport intermédiaire, 293 p. 4, 4 décembre 2024.
- Lire la synthèse rédigée de l’expertise.
Le cabinet agréé Technologia mandaté par le CSE-Central (CSEC) pour réaliser l’expertise sur les risques économiques, juridiques et psychosociaux du projet de suppression du service du contrôle médical (SCM) a été présenté aux élus du CSE-Central du 3 décembre 2024.
Ce CSEC a été accompagné par une 2e grève nationale suivie par 32 % des 7200 salariés du SCM pour exiger le GRAND RETRAIT du projet de suppression du SCM et partant de la restructuration de toute l’Assurance Maladie.
La 1ere grève du 3 octobre des personnels du SCM avait déjà réuni 60% de ces derniers. En effet, par cette suppression du SCM, plus de 1 salarié sur 8 de l’Assurance Maladie serait directement impacté par un changement d’employeur et de collectif de travail et pour une bonne part d’entre eux (quoique non quantifiée par la direction) par un changement de métiers, notamment les 5724 personnels administratifs (PA).
- Ecouter l’excellent Podscast pour mieux connaître les métiers des PA sur SCM menacés par la plan de suppression du SCM
120 entretiens de salariés en face-en-face ont été réalisés (avec une proportion majoritaire de PA de niveau 3 et 4 [70%]. Il est noté que les cadres ont moins participé que prévu à ces entretiens en face à face alors que leur hostilité s’avère très forte dans le questionnaire. Les PC ont été plus nombreux à solliciter Technologia pour participer aux panels.
7 « super » directeurs de la CNAM (dont le Directeur général lui-même) ont aussi été interrogés. Cinq médecins du travail (qui font état d’une grande nervosité / stress des salariés face ce plan de suppression) ont aussi été vus.
Les 7188 salariés du SCM ont par ailleurs été consultés dans un (longue) et détaillés enquête en ligne (formulaire) sur leur perception du fonctionnement du SCM et des risques que cette suppression fait peser sur leur avenir professionnel.
72% des 7188 salariés du SMC ont répondu à cette enquête.
Les élus du CSEC qui ont été interrogés ont fait état de la brutalité avec lequel est menée et l’absence d’information suffisante sur les conséquences du plan pour rendre un avis éclairé tel qu’imposé par la direction à la date couperet du 18 décembre 2024. L’avenir des carrières des personnes déplacées et les risques de mobilités sont aussi soulignés ainsi que ceux, bien sûr, pour l’indépendance professionnelle et pour le secret médical.
Il est mis en lumière par les élus une demande d’évaluation des coûts direct, indirects et cachés par une telle restructuration dont on sait qu’ils peuvent être très élevés quand elle est imposée et mis en place de manière précipitée. Ce manque d’évaluation qu’on ne peut que mesurer qu’à la fin d’un processus de restructuration risque de consister un biais, un manquement important de l’étude, tout simplement parce que la direction ne fournit pas d’éléments économiques permettant de le mesurer.
Dans ses entretiens, la direction de la CNAM assume se stratégie en la développant un peu plus que ce qu’elle en a dit depuis 6 mois : une volonté d’améliorer l’activité sur l’activité 1ere du SCM (le CEPRA : pour contrôle des prestations), la lutte contre la fraude et la gestion du risques (économies médicalisées) par l’accompagnement des professionnels de santé (PS) ainsi que par l’aide au développement des nouveaux modes d’exercice professionnel (CPTS et Maison de santé (MPS). Il est précisé par la Direction la volonté de redéployer près de 1000 ETP du SCM, dont une bonne part vers les DCGDR, une structure régionale sans personnalité morale auxquels certains PA et les PC pourraient être rattachés, y compris pour la gestion RH des PC (en cas de loi permettant ce rattachement. Ce n’est pas le cas puisque le PLFSS 2025 et les amendements de la direction qu’il contenait ont été censurés).
La direction assume la rapidité de son plan et, sans le dire avec ces mots-là bien sûr son corollaire : sa brutalité. Sa volonté : réduire les lourdeurs de fonctionnement, recentrer l’action sur l’échelle départemental. En 3 mots : renforcer « la synergie médical-administrative ». En plus clair : fusionner les équipes du SCM avec celle du métier des caisses ou des DCGDR pour faire des économies d’échelle et dégraisser les services supports qui font doublon.
Par sa fusion SCM/Caisse, la direction souhaite mieux médicaliser l’action des caisses sans vraiment avoir, visiblement, pesé ce risque décision : bureaucratiser la fonction médicale de l’Assurance Maladie.
La spécialisation des salariés, qui est recherché par le plan de la direction, est un leitmotiv directorial important. Le but est ainsi de réduire polyvalence pour intégrer les personnels du SCM à des processus industriels en mode caisse (comme sur le LCF), au détriment – sans doute – du sens du travail et de ce qui fait l’attractivité initiale des missions du SCM (la polyvalence, la technicité au service de cas patients), toutes professions confondues.
Les données sociales montrent ce qu’on sait déjà bien : le SCM est un corps social très féminisée : 89% des PA, 70% des PC, relativement âgés (1 salarié sur 3 a plus de 54 ans – âge moyen des PC ; avec une forte ancienneté / expérience de l’institution (1 salarié sur 4 a plus de 20 ans d’ancienneté). Il est aussi mis en lumière de fortes disparités de manque PC selon les départements avec des « trous » béants pour les chirurgiens-dentistes (CDC) (une majorité d’ELSM est dépourvu de CDC par exemple).
Les conséquences juridiques du plan de suppression du SCM sont lourdes : le transfert de 7200 personnels dans 102 établissements différents, de droit privé, ne peut pas se faire sans disposition législative modifiant le code la Sécurité Sociale pour tordre le code du travail.
Les mesures de l’article 16 du PLFSS 2025 imposé par l’article 49.3 de la constitution par le Gouvernement mais censurés par les députés, le 2 décembre 2024, visaient cet objectif.
Suite à la censure du gouvernement par les députés empêchant la validation du PLFSS 2025, la direction de la Cnam dit vouloir maintenir son intention de recourir à des transferts volontaires de de personnel ou à des mises à dispositions (MAS).
L’incertitude juridique est totale et impacte aussi l’économique.
En effet, le transfert des personnels du SCM dans toutes les caisses ne peut se faire de plein droit que si le code de la Sécurité Sociale est modifié à dessein. Le rejet du PLFSS 2025 par l’Assemblée Nationale et la censure du Gouvernement qui le défendait ont rendu impossibles ce scenario pour le moment.
A défaut, la seule solution pour la direction est de recourir à des mises à dispositions (MAD) soumis au volontariat (pas de licenciement en cas de refus) et pour une durée limitée. Aucune mesure d’économies ne peut être invoquée pour justifier une MAD.
La direction énonce aussi vouloir procéder par décret (pas de loi, un décret signé d’un ministre suffit) s’agissant d’un très hypothétique transfert de plein droit (modification systématique des contrats de travail et changement d’employeur) des seuls PA. Une aventure juridique qui mènerait assurément à des contentieux, y compris devant le Conseil d’Etat.
Aucun impact des conséquences de telles mises à dispositions « dérivatives » par voie de décret visant à reclasser quand même les personnels en caisse n’a été réalisée sachant qu’un transfert doit inclure l’ancienneté, la qualification, la rémunération brute, le temps de travail, le lieu de travail, les avantages individuels.
Tous les accord collectifs d’entreprise doivent disparaître dans la cadre de la suppression du SCM.
La direction renvoie ainsi toutes les éventuelles garanties à un hypothétique accord de transition (durée 2 ans maximum avant application des accords applicables en caisse) négocié avec les syndicats représentatifs de la CNAM (en clair : comment gérer la suppression des accord d’entreprise : durée du travail, RTT, congés, télétravail, tickets restaurants, forfait mobilité durable, égalité professionnelle et qualité de vie au travail, avantages sociaux…). La direction renvoie aussi un accord d’accompagnement (condition de reclassement) négocié à l’Ucanss par les Fédérations.
Les accords sur les horaires variables et les RTT sont ainsi fortement menacés à l’échelle de 2 ans lorsque les PA et PC intègreront le droit commun des caisses quand même ces derniers seraient temporairement maintenus à la Cnam dans un accord transitoire.
Les conventions collectives de branche (praticiens conseils, agents de directions, employés et cadres) continueraient d’exister mais tous les droits et les usages plus favorables établis pourraient être remis en cause.
La durée de cette négociation (4 mois : janvier-mars 2025) laisse dubitatif au regard de l’ampleur des chantiers à négocier alors qu’aucun travail préparatoire ne semble avoir été achevé.
L’expert lui-même parle de « violence du pas de charge » faite aux personnes qui seraient chargées de négocier de tels accords. Sauf bien sûr s’il ne s’agit pas d’une négociation en mode : « voilà les syndicats : signez-en bas SVP ! ». La violence n’en serait que plus forte.
La manière de faire de la direction depuis 6 mois, qui n’écoute rien et méprise les syndicats, rabâchant les mêmes éléments de langage (EDL) jour après jour, y compris au Parlement, augure mal qu’une vraie négociation, loyale, et respectueuse du temps social et des intérêts des personnels puisse avoir lieu.
Sur le volet juridique et économique
La perte d’indépendance du SCM, conséquence de la fusion du SCM avec les caisses, est un risque majeur en terme économique car c’est souvent au nom de l’impartialité du SCM et de son indépendance que le SCM peut se constituer auprès des tribunaux notamment face à des professionnels de santé fraudeurs et à des assureurs dans le cadre du recours contre tiers (RCT)
Les enveloppes budgétaires prévues à la COG ne bougeront pas. A la DDO, la DRAC gèrera un budget annuel de 5 milliards d’euros répartis sur les frais de personnels, les autres comptes de charge et de fonctionnement (informatique) et l’investissement. Ces enveloppes sont réparties sur l’ensemble des caisses. Les enveloppes sont fermées mais s’il y a des gains d’efficience, les sommes économisées (114 M€) peuvent être réaffectées sur d’autres taches, d’autre priorité. Ces gains d’efficience ont été fournies à l’expert mais les élus n’en disposent toujours pas.
Ces priorités identifiées en DRSM sont la LCF, l’organisation de la santé publique (CPTS) et dans une moindre mesure le fonctionnement. Les trajectoires des emplois restent les mêmes ; ce projet n’aurait donc pas vocation à faire des économies mais à faire plus efficient, renforcer les synergies médico-administrative. On enlèverait donc certaines strates pour alléger le fonctionnement.
L’estimation de l’efficience arriverait 987 ETP sur la période (gain de 1% sur le métier, 4% sur des GDR, jusqu’à 65% sur les fonctions supports…) avec des gains sur le budget de la communication, le contrôle de gestion maitrise des risques, la gestion des flux entrants, l’immobilier et les achats.
En clair, les grains économiques vont se faire sur les économies d’échelles réalisent sur les coûts bruts de fonctionnement et de supports issus de la fusion des 2 réseaux CPAM/SCM.
Les 987 ETP seront redéployés en 2 temps ; et ce gain mettrait plusieurs années pour générer les 114 millions d’euros de gains annoncés.
La population du SCM est très vieillissante et il y aura donc des départs, mais ces départs manqueront pour fonctionner.
Sur la mobilité géographique imposé, rien mais voulu, oui. Les caisses qui laisseraient partir ces agents-là bénéficieront d’ouvertures de postes pour compenser.
L’ombre de la mobilité subie subsiste encore lorsqu’on évoque la mobilité fonctionnelle.
Sur le volet CSE :
Là aussi incertitude. Si transfert total des personnels (scenario improbable depuis la censure), les CSE des DRSM disparaissent mais avec leur propre calendrier de liquidation.
Ce n’est qu’après le transfert du dernier salarié de cette DRSM que le la DRSM disparaitra et son CSE avec. Les salariés intégreront les CSE des caisses avec dilution de la qualité des prestations.
Car les budgets de CSE des caisses ne sont pas ceux des DRSM (2,75% de la masse salariale) et l’assiette offerte par la masse salariale des PC (50 % du budget des CSE des DRSM proviennent des salaires des PC), qui bénéficient à tous, et notamment au PA, se trouvera diluée.
En clair : la redistribution sera moindre pour les PA comme pour les PC en terme de prestations sociales et culturelles des CSE.
La redistribution permise par les CSE peut atteindre jusqu’à près de 2 mois d’équivalent de salaire en DRSM. Cette redistribution serait certainement bien moins importante en cas de reclassement en caisse.
En outre, le patrimoine des CSE devra être liquidé (vente) à car nul ne saurait diviser un appartement à la merci ou à la montagne en 102 parts proportionnées au personnel reclassé en caisse.
Le calendrier imposé fait peser un risque de braderie de ce patrimoine défavorable au personnel.
Le questionnaire au personnel.
Une étude en ligne auprès des 7148 salariés a été menée par l’expert. La participation a été très importante : 72% des salariés ont répondu. Ce qui ressort :
- L’attachement au collectif de travail menacé qui reste une source de stabilité pour le personnel ;
- L’attachement au respect du secret médical ;
- Une crainte de perte des avantages sociaux : prestation des CSE en 1er lieu ;
- Un flou et du pessimisme quant à l’efficience de la restructuration ;
- Une crainte pour la carrière (31% des répondants envisageraient de quitter le SCM) ;
- Une absence d’adhésion ou de doute massive des salariés, notamment les cadres et PC.
- Les facteurs explicatifs de la défiance :
- La conjoncture (contexte de la suppression du SCM)
- La vision de l’avenir très dépréciée
- La perte de confiance envers la direction nationale
Les DRSM les plus fragiles : PACA, PDL, BFC
Les appréhensions
72% de participation et tous les statuts ont joué le jeu donc cela fiabilise les résultats.
73% sont dans le flou quant à l’impact sur leur situation professionnelle. ET globalement les collègues redoutent les changements d’équipe qu’ils imaginent inexorables.
L’information donnée, les mesures d’accompagnement posent questionnement et son jugés insuffisantes majoritairement.
Les craintes liées à la perte d’avantage sociaux sont jugées importantes, mais aussi l’éthique et la capacité à servir correctement les assurés.
Le pessimisme est de rigueur sur la capacité du SM à continuer à bien fonctionner avec ce projet.
En termes de projection sur l’avenir, nombreux sont les collègues qui se questionnent sur le fait de quitter l’assurance maladie
Adhésion au projet :
Certains ne se prononcent pas du fait du manque d’information. 31% n’adhèrent pas du tout, et 1 salarié sur 3 ne se prononce pas. Ce salarié comprend l’enjeu stratégique mais ne partage pas la manière de régler les problèmes et pense que ce projet de transformation ne solutionnera pas les problèmes pointés du doigt dans le rapport IGAS. Même niveau d’adhésion controversé chez les agents de directions et les cadres manager qui ont des niveaux de défiance important !
Le peu de perspective dans l’avenir, la fatigue, le stress sont réel et évoqués.
L’épuisement professionnel est identifié par le questionnaire avec 14% (679 personnes) sont identifiés comme en risque d’épuisement inquiétant. L’employeur ne peut laisser passer ce type de repérage et doit le prendre en compte en menant sans tarder une étude d’impact à partir d’indicateurs pertinents avant qu’un risque aggravé ne se révèle. Sa responsabilité pénale, à l’échelle individuelle, pourrait alors être engagée.
Pour déclencher une expertise risque grave et imminent (qui pourrait être contestés devant le juge par l’employeur), il faut des éléments du bilan social, une position de la médecine du travail et des témoignages pour sensibiliser le juge. Les éléments pour une telle expertise semblent être présent. Pour comparaison : une entreprise qui se porte bien est à 7%. Le SCM est à 14%.
Sur l’organisation du travail :
L’organisation teintée de productivité actuel (SMOP avec la RU) est majoritairement alléguée comme génératrice de perte de sens au travail. Matis contribue aussi à la démotivation des utilisateurs.
Les ERSM se font allumer par les ELSM qui devraient apporter de la cohérence, n’apporte pas de valeur ajoutée, demande toujours plus de reporting, souvent hors sol.
La CNAM est aussi critiquée : les commandes dans les LR qui se contredisent. La CNAM est hors sol (la MAREM est très peu staffé et la direction médicale nationale a été affaiblie)
La synergie medio administrative : sur le CEPRA, pas besoin de se voir pour travailler ensemble via MATIS.
Au niveau de la GDR il n’y a pas de manquement identifiés, pareil dans la fraude.
La Caisse n’est que sur des indicateurs de performance (ex des méga-consommants qui ne coute pas cher mais il y a pour autant un vrai enjeu médical)
Les pressions de la caisse existent déjà et par endroit les directeurs de caisses font peur !
La charge de travail dérape et n’est pas en phase avec les moyens alloués.
La pénurie de médecin conseil est critique et accentué par la CNAM qui ne mets pas ce qu’il faut sur la table pour recruter (salaire, perte de sens au travail). Les PHC ne sont pas toujours à l’aise avec l’aide qu’on leur demande de donner (limite de compétence), les ISM se sentent exploités (perspectives des PNC avec les risques et la rémunération mise en face)
Les administratifs sont très fiers de leurs spécificités médicales et devrait être reconnus dans leurs qualification comme le propose la Cgt dans son projet d’avenir pour le SCM.
Les collectifs de travail sont très soudés par le service aux assurés, l’indépendance médical. La fluidité est réelle au sein des équipes pluri disciplinaires. Même si le côté un peu « caste » des PC est évoqué.
Sur le projet :
Pour beaucoup des agents des ELSM, le projet va permettre de se débarrasser de la strate régionale et y gagner en fluidité et peut être que les ERSM auraient dû se soucier de cette mauvaise image plus tôt.
Ce projet est vu comme trop productiviste, avec une perte d’indépendance et de cultures, à fond sur les chiffres à atteindre, le médical évalué par un administratif, l’image des DG de caisses.
Le fait d’être éclaté est générateur de craintes
Pour les administratifs et les supports (où 65 % des gains d’efficience se situent), la crainte est grande.
La spécialisation est génératrice de craintes par rapport à la polyvalence qui est appréciée.
Il existe de craintes des open-space.
Il existe des craintes de perdre les avantages sociaux
Le calendrier est trop court.
C’est le pire scenario de l’IGAS, en pire.
La phase d’écoute était du théatre.