Trop longue justice

Les procès pour des décès aux urgences restent en nombre limité mais leur fréquence augmente ces dernières années. Nous avions prévu cette évolution face à la dégradation du fonctionnement des services.

Nous avons même été un certain nombre à inciter les familles à porter plainte même si certains professionnels étaient réticents, craignant de servir de boucs émissaires.

Bien au contraire, nous pensions qu’il était juste que les familles puissent obtenir les informations qui leur sont souvent cachées, ce d’autant que pour une grande partie d’entre elles, la première motivation n’est pas la réparation financière mais simplement avoir la garantie que de tels drames ne puissent se reproduire.

Malheureusement, nous sommes confrontés à de très nombreux obstacles. Le premier d’entre eux est le déni et l’absence de reconnaissance des dysfonctionnements à l’origine de ces drames, par ce que j’appelle la technostructure médico-administrative.

Cette culture du secret bien ancrée dans l’histoire du monde médical est scandaleuse. Les patients et les familles ont droit à la vérité quand un événement qualifié pudiquement d’indésirable se produit. Trop souvent le sentiment du « on nous cache quelque chose » prédomine et la confiance est irrémédiablement rompue.

Et c’est là que les choses se compliquent. A la différence de ce qui se passe, notamment aux Etats-Unis, la première démarche n’est pas de contacter un avocat et de porter plainte. Mais devant le mur de silence auxquels les plaignants sont confrontés, il ne leur reste plus que cette voie de recours.

C’est alors qu’ils sont confrontés à la machine judiciaire avec ses lenteurs difficilement comprises et acceptées. Y compris pour les affaires qui ont été récemment médiatisées, les instructions s’enlisent et les procès se tiennent au bout de très nombreuses années.

Voici quelques exemples éclairants. Il ne s’agit pas bien entendu de se prononcer sur le fond, c’est le rôle de la justice, mais sur la forme.

Comment comprendre et accepter que pour une affaire concernant un décès aux urgences de l’hôpital Lariboisière survenu en 2018, que ce ne soit qu’en novembre 2024 que soit prise une décision de renvoi de la direction de l’hôpital devant le tribunal correctionnel.

Et nous sommes encore loin d’une décision finale.

Il en va de même pour d’autres drames survenus dans les hôpitaux comme des décès considérés comme des accidents de travail. Là aussi quand un verdict est prononcé, c’est souvent plus de 10 ans après l’événement.

Une telle lenteur de la justice confine à l’injustice. Même si nous connaissons le manque de moyens chroniques de la justice en France, ce ne peut être la seule explication.

Il serait notamment à l’honneur des directeurs et des médecins qui dirigent les hôpitaux de ne plus être dans le déni et de sortir de la culture du secret qui ne vise en fait qu’à cacher des fautes bien réelles, face auxquelles il est légitime que les patients et leurs familles puissent obtenir une rapide réparation.

Dr Christophe Prudhomme

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