Le billet d’humeur des conseillers Cgt qui siègent au Conseil de la Cnam. Retrouvez les chroniques de Christophe Prudhomme, médecin au Samu 93 et conseiller Cgt au conseil de la Cnam.
Je suis intervenu hier avec le SAMU dans un foyer pour travailleurs immigrés pour prendre en charge un homme de 75 ans atteint d’une insuffisance respiratoire au stade terminal et qui est malheureusement décédé.
Dans ce cas, nous signons le certificat de décès pour que les proches puissent organiser les obsèques. Mais les seules personnes présentes étaient les autres résidents du foyer, dont beaucoup avaient le même âge que ce monsieur, que tous connaissaient et qui nous ont indiqué que malheureusement il n’avait pas connaissance d’une famille en France.
Les seuls contacts étaient de vagues cousins en Algérie. Malheureusement dans cette situation, nous sommes obligés d’appeler la police pour régler les formalités avec la justice.
En interrogeant ses voisins, j’ai pu savoir que cet homme était un ancien travailleur de l’automobile qui résidait déjà dans ce foyer lorsqu’il est parti en retraite.
En fouillant dans ses papiers pour avoir plus d’éléments sur son état de santé, j’ai pu retrouver un dossier médical mentionnant une maladie pulmonaire d’origine professionnelle et sa date d’arrivée en France venant d’Algérie, 1966, soit à l’âge de 20 ans.
Glissé au milieu, se trouvait un avis de virement de sa retraite : 919 euros nets par mois. Ce n’est pas la première fois que je suis confronté à ce type de situation qui nous fait toucher toute la misère de ces travailleurs immigrés qui sont venus en France à l’âge adulte et qui ont travaillé toute leur vie dans l’industrie qui faisait alors la richesse de notre pays.
J’ai alors fait le lien avec la manifestation à laquelle j’avais participé dimanche pour que rien ne soit oublié de la date du 17 octobre 1961.
Mais en fait, au-delà de cet événement, je me suis dit que c’est bien toute l’histoire des relations entre la France et l’Algérie qu’il faut revisiter.
Notamment celle de l’importation d’une main d’œuvre à bon marché dont l’éducation n’avait rien coûté à notre pays, qui a ensuite été exploitée pendant 40 ans dans les métiers les plus difficiles et les moins bien payés et qui, comme dans le cas présent, les a rendus malades. Ce ne sont pas quelques paroles de « repentance » qui pourront réparer tout cela.
Dr Christophe Prudhomme