Tout pour les JO… au détriment des patients

Notre système hospitalier, particulièrement les urgences et les SAMU, sont en grande difficulté depuis plusieurs années pour assurer leurs missions au service de la population.

Malgré le mouvement de 2019, puis les failles mises en lumière lors de la crise COVID, E. Macron et ses différents gouvernements n’ont pas répondu à l’urgence de la situation. De ce fait, les zones du territoires les plus déficitaires ont vu leur situation continuer à se dégrader avec une mise en danger de la population.

Un événement dramatique survenu dans le département des Alpes-de-Haute-Provence lors du premier jour des JO en est l’illustration. Il faut tout d’abord rappeler l’ampleur de la crise au coeur de l’été dans ce département touristique avec 2 services d’urgences sur trois régulièrement fermés – Manosque et Sisteron – n’en laissant qu’un ouvert, celui de Digne, par ailleurs siège du SAMU départemental.

Un appel arrive au standard du SAMU pour un homme défenestré de 3 étages à Castellanne, à une grosse heure de route de Digne.

Le patient est pris en charge initialement par les pompiers et le médecin correspondant du SAMU. Ce mode de fonctionnement est déjà un mode dégradé dans ce qui est appelé les zones blanches, c’est-à-dire les zones loin des hôpitaux disposant d’un SMUR, où ce sont des médecins généralistes spécialement formés qui sont chargés de prendre en charge les patients dans l’attente de l’équipe spécialisé du SAMU.

Au regard de la gravité de l’état du patient et du délai d’intervention par voie terrestre, il est décidé de dépêcher sur place l’hélicoptère du SAMU. Mais c’est là que tout se complique, car une partie des hélicoptères sanitaires de la région sont mobilisés pour la sécurité des épreuves des JO se déroulant à Marseille et ne sont pas disponibles pour intervenir hors de cette zone.

Après de longues tergiversations, c’est un hélicoptère du SAMU 13 qui est enfin mobilisé. L’hélicoptère est finalement arrivé sur place près de 2 heures après l’accident. Pendant ce temps, le médecin sur place, sans moyens adaptés, a dû gérer un patient en état de choc hémorragique. En définitive, le patient est enfin arrivé à l’hôpital Nord de Marseille vivant, mais dans un état très dégradé.

Analysons rapidement cette situation. Premièrement, au niveau médical, la règle est celle de ce qu’on appelle la « Golden Hour » pour les patients polytraumatisés. Cela signifie que pour pouvoir sauver ce type de patients, il faut qu’ils arrivent dans un hôpital adapté dans l’heure qui suit l’accident pour espérer les meilleures chances de survie.

Dans le cas présent, ce temps est largement dépassé.

Deuxièmement, le système des correspondants du SAMU repose sur des médecins volontaires qui ne disposent que de moyens techniques limités et qui ont reçu une formation complémentaire mais ne disposent pas de l’expérience des médecins qualifiés en médecine d’urgence, raison pour laquelle ils sont engagés avec la garantie de pouvoir être rapidement relevés par un équipe complète du SAMU.

Ce qui est scandaleux dans le cas présent est le fait que les pouvoirs publics ont concentré le peu de moyens disponibles sur les JO au détriment des services de santé pour la population.

Le gouvernement ne pourra pas se dédouaner derrière l’argument sécuritaire pour les JO. En effet, quand la décision est prise d’organiser ce type d’événement, il faut savoir s’en donner les moyens, ce d’autant que l’on dispose de plusieurs années pour se mettre à niveau. Ce qui n’a pas été fait. Il s’agit d’une carence meurtrière qui a été sciemment mise en œuvre pour des raisons économiques.

Espérons que ce patient survivra à ses blessures. Si ce n’est pas le cas, les autorités sanitaires donc le gouvernement seront coupables de ce qu’on appelle une perte de chances par défaut de moyens, c’est-à-dire une mort évitable.

Dr Christophe Prudhomme

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