Les négociations entre les médecins et l’Assurance maladie visant à fixer le prix de la consultation médicale sont depuis des années dans une impasse.
En effet, d’un côté les gouvernements successifs refusent d’augmenter les tarifs dans une logique d’économie, du fait de leur volonté de baisser les dépenses de la Sécurité sociale.
Leur stratégie est de diminuer les ressources en utilisant notamment les exonérations de cotisations patronales qui atteignent aujourd’hui le chiffre record de près de 80 milliards d’euros.
En face, nous avons une profession qui défend légitimement son niveau de revenus mais qui reste complètement arc-boutée dans la défense de l’exercice libéral basé sur la rémunération à l’acte.
C’est bien là que se situe le nœud du problème car ce système facilite la stratégie des néolibéraux dont l’objectif, depuis 1945, est de démanteler progressivement le système de Sécurité sociale qui permet à la santé d’échapper très largement au secteur marchand.
C’est ainsi que dans les années 80, pour ne pas revaloriser les tarifs des actes à hauteur de ce qui était demandé par les médecins, a été créé le secteur 2 autorisant les dépassements d’honoraires.
Aucune véritable opposition ne s’est manifestée, car la promesse d’une prise en charge financière par les assurances complémentaires rendait la mesure peu visible et quasiment indolore pour les assurés sociaux.
Mais le ver était dans le fruit et aujourd’hui la majorité des médecins spécialistes pratiquent des dépassements qui vont bien au-delà de ce qui est finalement remboursé, laissant un reste à charge dont la conséquence est une augmentation du renoncement aux soins pour de nombreux patients.
Un autre élément qui est mortifère pour la Sécurité sociale est l’augmentation d’année en année du ticket modérateur et des franchises qui entraînent celle du montant des assurances complémentaires bien au-delà de l’inflation.
Nous glissons ainsi insidieusement vers une santé qui va devenir un service marchand assis sur des assurances et des cliniques privées qui seront réservées à ceux qui pourront se les payer.
Il faut donc sortir de cette impasse et la seule solution est une modification du mode de rémunération des médecins en sortant de la rémunération à l’acte.
Ce système existe déjà dans les centres de santé qui sont financés globalement et où les médecins et les autres professionnels de santé sont salariés.
En ce qui concerne les médecins généralistes qui sont restés dans leur quasi-totalité en secteur 1, il s’agirait d’augmenter la partie forfaitaire de leur rémunération qui est déjà importante et qui porte déjà la valeur de l’acte de 26,5 euros à près de 40 euros.
Le problème actuel concerne donc essentiellement les spécialistes. Ces derniers doivent y réfléchir à deux fois avant de basculer dans un système où leur interlocuteur ne sera plus la Sécurité sociale mais des assureurs privés qui risquent de devenir très exigeants pour maximiser leurs profits, ce qui ne pourra se faire qu’aux dépens de leurs rémunérations et de leur liberté d’exercice.
Dr Christophe Prudhomme