De nouveau le gouvernement nous annonce la nécessité de nouvelles économies dans les dépenses de santé au motif d’un déficit de 10 milliards d’euros en 2024.
Deux arguments doivent être déconstruits. Il s’agit d’une part de faire porter la responsabilité de dépenses dites excessives, notamment en termes d’indemnités journalières, aux patients et aux médecins.
En effet, l’essentiel de l’augmentation des dépenses est due à l’augmentation des salaires, notamment du SMIC.
Par ailleurs, la très grande majorité des médecins justifient les arrêts de travail par des troubles psychologiques en grande partie liée à la dégradation des conditions de travail qui se traduit par une perte de sens et une très forte augmentation des risques psychosociaux.
Enfin, c’est le gouvernement lui-même qui a ouvert la boîte de Pandore en autorisant la prescription des arrêts de travail par l’intermédiaire de la téléconsultation.
Conclusion, quand on additionne toutes les causes extérieures, seuls 14 % du taux de croissance sont à imputer à une augmentation en volume des arrêts de travail.
Il est nécessaire de déconstruire aussi cette notion de déficit qui constitue une escroquerie intellectuelle.
Le total des dépenses est de 254 milliards, le déficit représente moins de 4 % des dépenses.
Depuis des années, la solution imposée par les libéraux est de transférer des dépenses sur les patients avec l’argument que ce serait indolore du fait d’une prise en charge par les assurances complémentaires, dont la conséquence est une augmentation très importante de leurs coûts.
Or les primes de ces dernières ne reposent pas sur le principe de la Sécurité sociale de la cotisation selon ses moyens et de prestations selon ses besoins, mais de la logique du marché qui est que le niveau des remboursements est directement lié au montant de l’assurance payée.
Les conséquences sont déjà visibles avec une partie grandissante de la population qui ne bénéficie plus que d’une couverture complémentaire dégradée, avec une augmentation du reste à charge à l’origine d’un renoncement aux soins. A cela s’ajoutent les 2,5 millions de personnes sans complémentaire.
Mais le plus important est de comprendre que ce déficit est sciemment organisé par une baisse continue des recettes dont la principale cause est l’inflation continue des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, qui s’élèvent aujourd’hui à 75 milliards.
Or, même les économistes libéraux sont obligés aujourd’hui de reconnaître que ce mécanisme a peu bénéficié à l’emploi mais a surtout servi à augmenter les marges des entreprises.
Le bilan est clair : depuis le tournant libéral de la fin du siècle dernier, 10 % des richesses ont été transférées des salaires vers les profits.
Donc en inversant la courbe et en diminuant ces exonérations de 13 %, le budget de l’assurance maladie serait à l’équilibre. En faisant un petit effort supplémentaire et en retransférant 25 % de ce montant, soit environ 20 milliards, il serait possible de remettre notre système de santé sur de bons rails.
Dr Christophe Prudhomme