L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris se félicite dans son bulletin interne qu’un chef de service se soit transformé en « fundraiser » pour pouvoir construire une nouvelle unité dans son service.
Je cite : « Une année : c’est le temps qu’il a fallu au Pr Adams, chef de service de l’hôpital Bicêtre pour lancer une campagne de collecte, la boucler et commencer les travaux de son nouvel hôpital de semaine dont il suit avec attention et enthousiasme l’avancée du chantier. »
Utiliser ce terme anglais de fundraiser montre bien les dérives actuelles qui obligent des médecins à solliciter la charité pour obtenir des crédits d’investissement.
Ce système s’est maintenant officialisé avec la création d’une Direction du mécénat, chargée de solliciter les grandes entreprises et nos gentils milliardaires pour qu’ils compensent le désengagement de l’Etat par des dons qu’ils pourront bien sûr défiscaliser.
Un bien joli système qui leur permettra de médiatiser leur générosité et qui en fait ne leur coûtera rien.
Cet exemple est emblématique des dérives ultralibérales à l’œuvre en France, qui copient les pratiques anglo-saxonnes dont nous connaissons les résultats, notamment aux États-Unis, où la santé est devenue un service marchand dont il faut payer très cher les prestations rendues par des structures privées lucratives qui excluent les moins fortunés.
La stratégie est simple et le discours est toujours le même : il s’agit de diminuer les impôts pour soi-disant stimuler l’économie et enclencher le fameux phénomène de ruissellement.
Mais le résultat est identique d’un pays à l’autre : les services publics se dégradent par défaut d’investissement et manque de moyens de fonctionnement. Car si le système de santé français est en crise, ce n’est pas seulement en rapport avec le déficit de médecins, mais bien aussi du fait de locaux dégradés et du manque de matériels qui sont la conséquence des plans d’économies imposés depuis maintenant plus de 20 ans.
Il faut stopper cette hémorragie des fonds publics, conséquence des politiques de diminution des impôts et des exonérations de cotisations sociales. Les chiffres sont éclairants, le tournant libéral a entraîné un transfert de 10 % des richesses produites des salariés vers les actionnaires.
La solution n’est sûrement pas de compenser ce transfert en faisant appel à la générosité de charitables donateurs selon leur bon vouloir.
Il faut rétablir les impôts sur les richesses produites et en finir avec les 200 milliards d’aides diverses dont bénéficient principalement les grandes entreprises.
Par ailleurs, alors que les heures des médecins sont précieuses pour s’occuper des patients, que certains d’entre eux soient obligés de se transformer en collecteur de fonds pour pouvoir améliorer l’offre de soins et leurs conditions de travail est une aberration. Être ainsi poussé à faire la manche peut même être considéré comme une humiliation difficilement tolérable.
Dr Christophe Prudhomme