La question actuelle n’est pas de savoir qui sera Premier ministre mais bien celle du programme.
Les négociations de couloir et de compromis qui ne seront que des compromissions ne sont pas à la hauteur des enjeux et de l’urgence. Notre système de santé est malade de quarante ans de renoncements face aux assauts du néolibéralisme, renforcés par les 7 ans de pouvoir d’E. Macron, promoteur sans entraves d’une politique de financiarisation de notre système de santé.
Ce terme de financiarisation est également utilisé aujourd’hui par de nombreux acteurs qui vont de l’Académie de médecine à des économistes plutôt libéraux.
Nous sommes aujourd’hui à un tournant face à la dégradation de notre système de protection sociale.
Le choix est entre le marché et le service public. Pour ceux qui continuent à croire aux vertus du marché dans ce secteur, les exemples des EHPAD avec ORPEA et des crèches avec People and Baby devraient les faire réfléchir. La santé et le social sont antinomiques avec le marché et doivent s’appuyer sur les valeurs de solidarité, d’égalité et d’humanisme qui prévalent si nous nous considérons comme une société évoluée. Le modèle opposé est celui en vigueur aux Etats-Unis, qui est en train de s’installer insidieusement en France et dans un grand nombre de pays européen.
C’est celui de la santé, service marchand fonctionnant avec des prestataires et des assurances privés. Nous connaissons là-aussi le résultat avec un système très inégalitaire et des indicateurs de santé publique qui, comme aux Etats-Unis, tutoient ceux de pays qui étaient encore hier considérés comme en voie de développement.
Pour ceux qui espèrent un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leurs enfants, le choix ne peut-être qu’une véritable politique de rupture qui s’appuie sur deux piliers : le service public et un financement intégral par la solidarité via la Sécurité sociale. Rupture, car il s’agit de ne plus parler de plans d’économies pour la Sécu mais de recettes supplémentaires qui sont à portée de main en reprenant les différents amendements votés lors du débat sur le PLFSS.
Rupture, car il s’agit d’aller rapidement vers une extinction des assurances complémentaires pour basculer vers des cotisations collectées par la seule Sécu qui deviendra le payeur unique des prestations. Rupture, avec une réorganisation de la médecine de ville autour de centres de santé avec des médecins et autres professionnels de santé salariés. Rupture, avec un système hospitalier offrant un service de proximité intégré avec la médecine de ville, les EHPAD et le médicosocial.
Rupture, avec une recherche publique sortant des griffes de l’industrie pharmaceutique. Rupture, avec un pôle public du médicament et des produits de santé permettant d’en finir avec les brevets, les pénuries et les prix exorbitants des nouveaux produits. Rupture, car il s’agit d’appliquer un programme s’appuyant sur celui du Nouveau Front populaire mais en l’améliorant, car il ne s’agit plus de mettre des pansements mais bien d’effectuer une véritable opération de transformation radicale pour sauver le malade.
Dr Christophe Prudhomme
Une réflexion au sujet de « Politique de santé : la nécessité d’une rupture »
1) Merci pour cet article.
Je suis médecin conseil et je partage largement votre analyse. Il est évident que « La santé et le social sont antinomiques avec le marché et doivent s’appuyer sur les valeurs de solidarité, d’égalité et d’humanisme qui prévalent si nous nous considérons comme une société évoluée. » Comment oser demander plus de 3000 euros de dépassement d’honoraire à un ouvrier smicard (qui par définition ne peut donc pas faire d’économies) pour réaliser une ostéosynthèse de deux vertèbres ? Et l’ouvrier accepte car s’il ne peut plus travailler c’est toute son économie à lui qui est déstabilisée : car même s’il perçoit des indemnités journalières qui équivalent à environ 50 % de ses revenus, le loyer, les dépenses de chauffage et tout le reste ne diminuent pas pour autant… Donc il va s’endetter pour se soigner et pouvoir retourner gagner le SMIC et payer ses dettes de frais de santé…
2) Pourriez-vous revenir sur cette phrase de votre article [« Ce terme de financiarisation est également utilisé aujourd’hui par de nombreux acteurs qui vont de l’Académie de médecine à des économistes plutôt libéraux. »] pour m’apporter plus d’éléments à ce sujet SVP ?
3 ) Vous écrivez aussi : [« Rupture, avec une recherche publique sortant des griffes de l’industrie pharmaceutique] ». Je me permets d’ajouter que l’INSERM lui-même se glorifie des créations de start-up suite aux découvertes brevetées de ses (NOS) chercheurs… C’est plutôt surprenant (pour essayer de rester politiquement correcte)…
Merci