Au-delà du scandale concernant les EHPAD dévoilé par le livre « Les Fossoyeurs » de Victor Castanet, il est utile d’effectuer un retour en arrière pour mettre en avant les responsabilités des gouvernements qui se sont succédés depuis le début des années 1990 et qui sont à l’origine de cette situation.
La loi sur les EHPAD a été votée en janvier 2002 sous un gouvernement de gauche avec Bernard Kouchner comme ministre de la Santé. Il s’agissait de l’ouverture de ce secteur au privé lucratif, l’État déclarant ne pas avoir les moyens de répondre aux besoins grandissants du fait du vieillissement de la population.
Le groupe ORPEA, créé en 1989, a alors pu changer de dimension et en 2003 est apparu le groupe Korian qui est aujourd’hui le premier opérateur en France dans les EHPAD. Puis de nombreuses autres sociétés se sont développées dans ce qui est appelé la silver economy ou l’or gris.
En 2009, sous le gouvernement Sarkozy, deux députés UMP, Censi et Bouvard, font adopter un régime particulier pour les investissements immobiliers dans les EHPAD ouvrant le doit à une défiscalisation et donc à une très bonne rentabilité.
C’est ainsi qu’étant considéré en tant que médecin comme une personne ayant des revenus à placer, je reçois régulièrement des publicités m’incitant à investir dans, je cite, « un marché porteur du fait de l’allongement de la durée de vie et du vieillissement de la population augmentant considérablement la demande ». Il est ainsi promis des rendements annuels jusqu’à 5 à 6 % et des réductions d’impôts permises par des dispositifs qui sont de véritables niches fiscales.
Nous ne pouvons que constater aujourd’hui la collusion des politiques avec les groupes privés qui se sont développés dans ce secteur et qui aujourd’hui génèrent des bénéfices conséquents sur le dos de la Sécurité des sociale, des retraités et de leurs enfants soumis à l’obligation d’assurer le paiement des factures qui se montent en moyenne à 3 000 euros par mois, ce qui est bien au-delà du montant moyen des pensions de retraite.
En effet, les ARS sollicitées depuis des années par les syndicats de salariés et les familles n’ont jamais joué leur rôle de contrôle. Cela a notamment été le cas de l’ARS d’Ile-de-France dirigée par Claude Evin, ancien ministre socialiste de la santé, qui connaissait parfaitement le problème et qui essaye aujourd’hui de se dédouaner par presse interposée.
Enfin, l’actuel gouvernement n’a jamais répondu au mouvement initié en 2018 et qui réclamait un encadrement d’un soignant par résident dans tous les EHPAD, ce qui correspond à la nécessité de la création de 200 000 emplois. Donc ils savaient et ils n’ont rien fait.
Nous en avons assez aujourd’hui des déclarations de contrition de la part de ceux qui sont responsables de cette situation. Nous demandons des actes et le premier doit être l’exclusion des opérateurs privés à but lucratif de toutes les activités de la santé et du médicosocial.
Dr Christophe Prudhomme