# Billet dur : Désespoir

Le billet d’humeur des conseillers Cgt qui siègent au Conseil de la Cnam. Retrouvez les chroniques de Christophe Prudhomme, médecin au Samu 93 et conseiller Cgt au conseil de la Cnam.

L’épidémie de coronavirus nous a confronté à la litanie du nombre de morts qui était même égrenée quotidiennement lors de la première vague.

Nous pouvons constater finalement que, sans nier la gravité de la situation, le pire a jusqu’à présent été évité avec une mortalité cumulée de 4,55 millions qui, même si elle est sûrement sous-estimée, reste limitée. En effet la mortalité mondiale totale sur la même période peut être évaluée à plus de 90 millions de personnes.

Pendant ce temps, des chiffres inquiétants nous proviennent des Etats-Unis où l’espérance de vie diminue depuis 2014 et, ce qui est aussi grave, l’espérance de vie en bonne santé.
Le résultat est accablant pour ce pays où l’espérance de vie est aujourd’hui la plus faible de tous les pays à hauts revenus.

Les chercheurs américains mettent en avant comme causes le déclin économique et la dégradation du système sanitaire.

Ce qui est encore plus intéressant est l’hypothèse avancée par des économistes, dont Angus Deaton prix Nobel d’économie, qui parle de « morts du désespoir ».
Désespoir, source de « douleurs » pour lesquelles les Américains abusent des antalgiques morphiniques à l’origine d’un nombre d’overdoses non intentionnelles et de suicides très important (plus de 110 000 en 2017).

Une autre hypothèse est avancée par David Cutler, professeur d’économie à Harvard, qui met en cause les réductions de salaires, la perte des pensions ou de l’assurance santé.

Ces éléments évoquent le travail du grand sociologue français Emile Durkheim sur le suicide qui rappelait que les humains « désespèrent quand leurs circonstances matérielles ou sociales sont inférieures à leurs attentes. Ce désespoir les amène à agir d’une façon qui nuit significativement à leur santé ».

Cela nous ramène à la situation actuelle des jeunes car le désespoir commence souvent tôt dans la vie, au moment de l’entrée sur le marché du travail, parfois avant.

Tout cela montre bien que la crise actuelle est non seulement sanitaire mais aussi et surtout sociale, donc politique.

Dr Christophe Prudhomme

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