Les patients qui décèdent sur des brancards dans les services d’urgence s’accumulent.
L’association professionnelle Samu-Urgences de France, présidée par François Braun avant qu’il ne devienne ministre de la Santé, avait même lancé fin 2022 un recensement et avait comptabilisé uniquement par voie déclarative 38 décès dits « évitables ».
Depuis la situation s’aggrave. Les urgences du CHU de Grenoble annoncent un troisième décès en quelques mois et le service des urgences de Metz, dirigé auparavant par le même François Braun, a également été concerné avec la mort d’une jeune femme de 19 ans.
Mais le gouvernement reste impassible avec un président de la République qui annonce du haut de son Olympe qu’il va « désengorger » les urgences.
Sa crédibilité est nulle car il n’a pas répondu à nos demandes lorsque nous étions dans la rue en 2019 pour dénoncer cette situation. Depuis il a continué à fermer des lits – plus de 20 000 depuis son arrivée au pouvoir – alors que justement la sortie des urgences est « engorgée » par les malades qui doivent être hospitalisés.
En ce qui concerne la médecine de ville, rien n’est fait pour donner une priorité aux visites à domicile, pour qu’il y ait des médecins dans les EHPAD et – autre promesse de Gascon du président – que les 700 000 personnes souffrant d’une affection de longue durée disposent d’un médecin traitant très rapidement.
Dans le même temps, le ministre de la Santé applique de manière brutale la limitation de l’intérim à l’hôpital sans donner les moyens à ce dernier de s’organiser, ce qui entraîne des fermetures de service de manière quotidienne depuis début avril.
Ainsi, l’hôpital de Langon en Gironde dans lequel le ministre s’est déplacé cette semaine voit son service d’urgence fermer ce dernier week-end. Dans le département où je travaille, ce sont les urgences de l’hôpital d’Aulnay-sous-Bois qui sont fermées aux patients arrivant par leurs propres moyens jusqu’au 2 mai.
Or ce service est un des plus importants d’Ile-de-France et est l’hôpital support pour l’aéroport de Roissy. Cette situation était prévisible car ce même hôpital avait fermé ses urgences en septembre dernier à la suite de l’arrêt de travail de la plupart des personnels soignants pour cause d’épuisement.
Fatigue, conditions de travail dégradées, sous-effectifs sont le lot quotidien des soignants. Ils n’en peuvent plus et sont très nombreux, médecins et non-médecins, à préférer quitter le bateau qui est en train de couler avant de se noyer.
Car il s’agit bien de cela, partir avant de craquer. Alors oui, la colère peut aider à tenir mais elle épuise et sans perspectives d’améliorations, elle est stérile.
Mais comment de pas être touché au plus profond de soi-même quand dans son service survient un décès car le manque de personnel n’a pas permis d’assurer une surveillance et des soins optimaux.
Combien rentrent chez eux le soir en culpabilisant et parfois en pleurant. La catastrophe est déjà là et il y aura d’autres morts qui pourraient être évitées.
Des morts dont la responsabilité morale est celle de ceux qui font tout pour que la santé devienne une activité marchande comme les autres et nous mènent tout droit à un système à l’américaine, où le business est très florissant avec des dépenses de santé 50 % supérieures aux nôtres mais avec une espérance de vie qui chute et qui est passée en-dessous de celle de tous les pays développés.
Dr Christophe Prudhomme