Les progrès techniques nous permettent aujourd’hui de mieux prendre en charge les patients. La télémédecine fait partie de ces nouveaux outils qui, grâce notamment à la transmission de données comme c’est le cas en cas d’accident vasculaire cérébral, assurent un gain de temps et donc d’efficacité en raccourcissant les délais de mise en œuvre du traitement. Délai qui est essentiel pour éviter des séquelles invalidantes définitives.
Il en va de même pour la surveillance à distance des patients diabétiques ou encore du traitement des ulcères chroniques par des infirmiers à domicile. Il s’agit là de véritables avancées mais la crise de notre système de santé avec des difficultés de plus en plus importantes pour avoir accès à un médecin ouvre grand la porte à des dérives à visée strictement commerciale.
Ainsi la société Qare, créée au sein de l’incubateur de start-ups de l’assureur AXA, a profité de la crise COVID et de la prise en charge par l’Assurance maladie des téléconsultations pour augmenter de manière très conséquente son chiffre d’affaires.
Elle propose dit-elle un complément d’activité flexible pour les médecins avec même une prime de bienvenue pour assurer des consultations par téléphone à l’ensemble de la population. Il s’agit d’une dérive de ce type de consultations réservées normalement aux médecins traitants pour les patients, notamment chroniques, qu’ils suivent régulièrement afin de faciliter leur suivi en évitant un déplacement ou une visite à domicile quand cela n’est pas absolument nécessaire.
Ce nouveau marché aiguise les appétits des grands groupes technologiques mondiaux. Nous avons ainsi appris il y a quelques jours qu’Amazon a racheté pour 3,8 milliards de dollars la société One Medical, avec comme ambition affichée de « réinventer le secteur du soins ».
La dirigeante de cette branche dit vouloir développer une offre de santé plus moderne, qui s’adapte davantage aux modes de vie actuels, plus personnalisée et moins chronophage. Elle déclare : « Nous voyons de nombreuses opportunités d’améliorer la qualité du service et de faire gagner aux gens du temps ».
Ces deux exemples montrent que les failles de notre système sont utilisées par des investisseurs qui y voient un marché très lucratif, qui plus est financé par la Sécurité sociale.
Si nous laissons faire, nous allons glisser très rapidement vers une médecine qui deviendra un service marchand comme un autre dans le fameux cadre concurrentiel cher aux libéraux.
Cette évolution est déjà à l’œuvre aux États-Unis avec un système de santé très inégalitaire dont l’accès est limité en fonction des capacités financières des patients et le plus coûteux de la planète
Il faut comprendre que quand notre gouvernement demande de faire des économies sur le budget de la Sécurité sociale, ce n’est pas pour dépenser moins mais pour faire basculer vers le secteur marchand tout ce qui peut être rentable et dégager de juteux bénéfices.
Deux chiffres éclairent crûment cette réalité : les dépenses de santé en France représentent 12 % du PIB et près de 17 % aux États-Unis. Les 5 % de différence sont captés par les actionnaires.
Dr Christophe Prudhomme